26 mai 2010

Dans l'intimité de Yazid mansouri




Enfant de Reims, capitaine de l'Algérie




A 15 ans, Yazid Mansouri quitte Reims pour intégrer le centre de formation du Havre. Dix-sept ans plus tard, le natif de Revin, refait surface en tant que capitaine de la sélection nationale algérienne. Le gamin de Reims disputera la phase finale de la Coupe du monde avec les Fennecs. Itinéraire improbable d'un enfant du pays…


L'HISTOIRE de Yazid Mansouri, « Yaz » pour les intimes, commence par des larmes sur le quai de la gare de Reims. Direction Le Havre, port d'attache pour footballeurs en devenir.
A 15 ans, le talentueux milieu de terrain du SC Tinqueux largue les amarres de l'adolescence. Il souffre de quitter Reims et sa famille auxquelles il est viscéralement attaché.
Bruno Scipion, son entraîneur en Division d'Honneur, a repéré le frêle gamin, milieu de terrain vif, adroit, intelligent, et le croit capable de devenir professionnel. « Il faisait beau. On avait pique-niqué et mes copains partaient pour un tournoi, raconte Yazid. Je me suis retrouvé seul. Je ne me sentais pas très bien. »
On le retrouve dix-sept ans plus tard, en larmes encore. De joie cette fois. Capitaine improbable de l'équipe nationale d'Algérie, lui, le natif de Revin, vient de faire chavirer tout un peuple. Après plus d'un quart de siècle de disette, l'Algérie se qualifie pour la Coupe du Monde sud-africain. Le pays exulte. Les Algériens de France sortent dans la rue drapeaux vert et blanc en main. Yazid tombe dans les bras de ses coéquipiers, s'agenouille sur la pelouse du stade de Khartoum où son équipe, contrainte à un match d'appui dans une atmosphère délétère, vient de battre l'Egypte (1-0).
L'obscur joueur de Ligue 1, anti-star aux 65 sélections nationales, se retrouve assailli par les médias des deux côtés de la Méditerranée.
De retour à Alger, les héros en crampons mettent trois heures pour parcourir les 15 km qui séparent l'aéroport de la capitale. Depuis l'indépendance, le pays et ses 34 millions d'habitants n'a pas connu pareille liesse.

Sekoura et Aïssa Mansouri ont encore du mal à croire que leur fils portera le brassard de capitaine des Fennecs en Afrique du Sud.
En mal de ses parents
 Le 12 novembre au Caire, quand les Fennecs, (les renards du désert, surnom des 24 footballeurs de la sélection), ont été caillassés, lâchés par la sécurité égyptienne, ils sont devenus des martyrs. Ils reviennent sur leur terre acclamés, reçus en grande pompe par le président Bouteflika en personne qui avait affrété 25 avions pour emmener gratuitement au Soudan 12 000 supporters. « On a vécu des moments incroyables. Des buts valables refusés. Les jets de pierre, des copains blessés. Finalement, toutes ces épreuves nous ont rendus plus forts. » Dans le quartier des Epinettes à Reims, Aïssa et Sekoura Mansouri, le père et la mère du fils prodigue, se pincent encore pour y croire.
Parents de sept enfants, ils ont quitté leur village de montagne d'Aït Abdelafi Ouacifs, en Grande Kabylie, et les somptueux paysages du Djurdjura pour venir gagner leur vie en France. Après moult petits boulots et autant de galères, Aïssa a décroché un poste de magasinier chez Arthur-Martin à Revin. C'est là qu'est né Yazid, le 25 février 1978, dans le quartier d'Orzy où se concentre la population immigrée.
Très vite, Aïssa est muté à Reims. La famille emménage dans un immeuble du pont de Witry, rue Hanriot. Nordine Lakbachi, l'ami d'enfance de Yaz, évoque ces parties de foot interminables au pied de l'immeuble aujourd'hui détruit : « Il est arrivé dans le quartier avec son ballon. Un bon moyen de faire connaissance. On est devenu copain. On ne s'est plus quitté. On se disait qu'il fallait qu'au moins un de nous deux devienne footballeur professionnel. » « Je mangeais toujours froid. Parce qu'il n'y avait que le foot qui comptait », renchérit Yazid.
Vient le temps des compétitions en poussins avec le prestigieux maillot du Stade de Reims… Ses parents le suivent chaque dimanche avec la glacière et les sandwiches-maison. Ramasseur de ballon à Delaune, le gamin hume les vestiaires des pros, impressionné par le capitaine Didier Christophe, « un colosse aux cuisses huilées ».
Yaz rejoint ensuite les cadets d'Epernay, les seuls du département à évoluer en championnat national puis joue en Division d'Honneur à Tinqueux : « Pour moi, c était déjà un rêve de jouer avec des adultes. »
Les trois jours de test au centre de formation normand vont changer sa vie. L'un de ses coéquipiers qui l'accompagne est recalé. Lui, est sélectionné. Il est même rapidement intégré à l'équipe première du Havre qui évolue alors en 1re Division. Reims lui manque encore. Il emprunte régulièrement l'interminable RN31 avec une vieille 205 pour rejoindre ses parents : « Je n'avais pas d'autoradio. Je mettais un poste à cassettes sur le siège passager ».
Milieu défensif, il s'inspire de l'Argentin Redondo, son modèle, reste six ans au Havre avant de rejoindre la 2e Division anglaise à Coventry.
Rançon de l'intégration de ses parents, il parle peu arabe, n'a jamais vraiment suivi les performances des Fennecs même s'il a la double nationalité.
Quand Madjer, l'icône de football algérien, l'appelle alors en sélection, une immense fierté rejaillit sur toute la famille, qu'elle soit dans la Marne ou en Kabylie.
Comme à chaque fois dans sa vie de sportif, Yaz côtoie, avec la sélection nationale algérienne, le meilleur comme le pire. « La première sélection, c'était un match amical contre l'OM au Vélodrome. Je suis rentré en cours de match. Un grand souvenir. J'ai aussi gardé les DVD des matches contre l'Argentine et contre le Brésil ». Et puis il y a eu le cauchemar du Stade de France, en octobre 2007 : « Les sifflets de la Marseillaise, l'envahissement du terrain… Des irresponsables qui font beaucoup de mal à notre communauté ».

Joueur de haut niveau, père de famille, coéquipier exemplaire : l'international algérien assume ses responsabilités sans sourciller.
8 heures

LA famille Mansouri a élu domicile dans une vaste maison de Larmor-Plage, un village résidentiel à deux pas de Lorient. Alors que Laetitia, l'épouse de Yazid, s'occupe de la petite dernière, l'international algérien conduit à l'école Kaïs, 7 ans, et Keryane (un prénom arabe et non bretonnant !), 3 ans.
Kaïs marche sur les traces de son père : il vient de finir meilleur buteur du dernier tournoi poussins auquel il a participé. Sauf que lui, il adore l'école ! Et il fait promettre à son père qu'ils regarderont ensemble ce soir le match de Ligue des champions à la télé.

9 h 30


Arrivée au stade du Moustoir. Les installations sont vétustes mais l'ambiance du club est excellente. Ici, ni pression, ni vedettes. Pas même d'amendes pour les retardataires. « Gourcuff se fâche rarement mais ce n'est pas un grand communicant », regrette Yazid.
Les supporteurs inconditionnels qui assistent à chaque entraînement saluent le joueur et ne tarissent pas d'éloges : « Yaz ? Un type charmant. Un bon joueur. Vraiment, il ne passera jamais à côté de vous sans vous saluer », souligne Gérard, fidèle parmi les fidèles. « Et puis il a du cœur. Samedi, il participe à un gala de foot pour l'association Main dans la Main avec Darcheville. »
Yazid a également mis sa notoriété au service d'une association d'intolérants au gluten qu'il parraine.


10 heures

Après un débriefing du match de Bordeaux et une séance d'abdominaux, les joueurs commencent une séance d'entraînement de deux heures où la patte de Gourcuff, héritier de Suaudeau et du jeu à la nantaise, saute aux yeux. Sur un terrain champêtre du Moustoir, à l'ombre du vieux stade du FC Lorient, l'international algérien revêt le maillot noir des remplaçants alors que les titulaires ont une chasuble fluo. Une situation qu'il accepte bon gré mal gré. « En ce moment, j'ai l'impression que c'est le lot de tous les joueurs de l'équipe d'Algérie. Même Ziani, à Wolfsbourg, ne joue pas. C'est vraiment abusé… »


12 h 15

Fin de la séance. Yaz, au volant de son gros 4x4 immatriculée « 51 », rentre à Larmor. Les demandes d'interviews continuent d'affluer.
Pas de régime alimentaire spécifique mais une hygiène de vie irréprochable et un faible pour le felfel, des piments écrasés avec de la tomate que l'on mange avec de la galette.


13 h 30

Bercé par Les Feux de l'amour, Yazid est parti pour une sieste de 2 heures La peur de manquer de rythme au moment de la Coupe du monde, le contraint à repartir au stade pour y suivre une préparation physique spécifique, en plus des entraînements quotidiens. Pour la première fois de sa carrière, sa saison a été gâchée par les blessures. « Il y a eu notamment sa déchirure alors qu'il avait fait un début de match tonitruant contre Lyon », commente Christian Gourcuff. Ducasse, 22 ans, a eu sa chance au milieu du terrain et a su la saisir. Résultat Mansouri a été rarement titulaire alors que Lorient vit sa saison de tous les records. Et comme la Coupe du monde approche, « Yaz » admet qu'il se retient à l'entraînement, par peur de se blesser à nouveau.
La sélection nationale est un rendez-vous qu'il ne manquerait sous aucun prétexte : « Ce n'est pas des propos convenus mais on a tous hâte de se retrouver. Il y a vraiment une super ambiance. Et tout ce qu'on a vécu notamment les incidents d'Egypte, nous ont soudés ».
Pourquoi Yaz a-t-il été choisi comme capitaine ? Christian Gourcuff a son idée : « C'est un garçon qui a toujours été mature. Et on ne peut pas dire que la maturité est la vertu première de l'équipe d'Algérie. »
« Ce n'est pas un joueur flamboyant, c'est un travailleur de l'ombre sans fioritures mais il est très lucide dans le placement. Il est au service de l'équipe ».


19 heures

Retour à Larmor. Quelques affaires à régler avec ses principaux sponsors, un opérateur téléphonique et une compagnie aérienne. Une eau minérale est également intéressée par le capitaine de l'équipe d'Algérie. Son équipementier vient de lui envoyer deux énormes cartons de tenues.


21 heures

Lyon se fait étriller par le Bayern. Loin de l'effervescence algérienne, la Bretagne, coquette terre d'exil, convient au tempérament de Yazid Mansouri vient d'y passer quatre ans. En fin de contrat, il aimerait avoir signé dans un nouveau club avant le début de la Coupe du monde. Si possible en Europe, encore au moins deux ou trois saisons, avant de finir sa carrière dans une monarchie pétrolière. Son agent, Fabien Piveteau, y travaille.


23 heures

Quelle vie après le football ? Dans un milieu plus bling-bling que jamais, où les amitiés ne sont pas toujours dénuées d'arrière-pensées, la famille reste son meilleur refuge. « Je viens d'acheter une maison à Warmeriville. On aime Reims. Je me vois bien travailler pour le football de mon pays tout en étant proche de mes parents ».


23 h 30

L'heure de s'endormir avec des rêves de passer le premier tour dans le groupe de l'Angleterre, de la Slovénie et des Etats-Unis.  In L'Union

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